Elisabeth Borne vient d’annoncer la création d’une écotaxe de 1,5€ à 18€ sur les vols en partance de la France. Cette proposition est évidemment un début judicieux au regard des volumes importants de CO2 émis par les avions qui doivent être mis en relief avec la très/trop importante contribution qui pèse sur les automobilistes via la TICPE, mais elle n’engage aucune réflexion profonde sur le trafic aérien.
Cette taxe ne peut toutefois pas constituer le seul fondement d’une politique de diminution de l’impact environnemental du transport ferroviaire. Le gouvernement oublie la nécessité de mettre en œuvre des leviers rapides pour contenir l’explosion du trafic aérien. Il est évident qu’il n’existe pas d’alternative sur les vols longue distance mais pour des vols de courte distance, des politiques efficaces peuvent être mises en place. La seule solution de l’éco-taxe ne changera pas l’équilibre actuel et ne servira qu’à faire entrer des recettes supplémentaires, sans agir sur le volume du trafic.
Pour Bordeaux Métropole, la réduction des liaisons aériennes Bordeaux-Paris doit être une priorité. 1 257 573 passagers ont effectué cette liaison l’an dernier soit 18,5% du trafic total de l’aéroport, un chiffre certes en baisse de 17,2% mais qui reste trop élevé au regard de l’offre TGV très compétitive. Plusieurs solutions sont possibles pour renforcer l’attractivité de l’offre ferroviaire:
1- Renforcer l’offre Bordeaux-Roissy Charles de Gaulle
Le temps de trajet des liaisons directes Bordeaux – Roissy Charles de Gaulle est de 3h33. Sans aucun arrêt et avec les infrastructures actuelles, des liaisons Bordeaux-Roissy pourraient s’effectuer en 2h30. La SNCF doit accompagner ce mouvement en proposant des liaisons régulières desservant uniquement Bordeaux, Orly, Roissy et Lille Flandres pour réduire les temps de trajet vers les aéroports parisiens.
Ces liaisons doivent être ajoutées et non substituées aux dessertes actuelles car les liaison Bordeaux-Roissy sont faites à partir de TGV reliant Bordeaux à Lille et Strasbourg en passant notamment par Angoulême, Poitiers et Saint Pierre des Corps. Ces trois agglomérations ne disposent pas d’infrastructures aéroportuaires suffisantes et ont impérativement besoin de conserver ces liaisons régulières vers Roissy, voire des les renforcer.
Ces liaisons directes nouvelles pourraient être étendues à Lille et à Bruxelles. Cela permettrait de réduire d’une heure les temps de trajet vers la l’agglomération lilloise (3h30 contre 4h30 actuellement pour un Bordeaux-Lille) et de réduire les vols Bordeaux-Lille (181 000 passagers par an sur la ligne Air France, en hausse de 20,6% l’an dernier).
2- Créer une liaison directe Bordeaux-Orly et augmenter la capacité de la ligne Massy-Valenton
L’accès à la gare d’Orly en train nécessite une correspondance bus à Massy TGV ou à Denfert Rochereau. Cette situation est très désincitative, d’autant que les trains TGV Bordeaux-Lille et Bordeaux-Strasbourg passent à proximité de l’aéroport d’Orly. Un projet de gare TGV est en cours depuis de très nombreuses années et vise à créer une gare nouvelle à proximité de l’aéroport. Il faut l’accélérer.
Ce projet est rendu compliqué par la saturation de l’axe Massy-Valenton qui est aussi emprunté par le RER C, avec une forte demande des usagers de bénéficier aussi de plus de RER. Afin d’un remédier, plusieurs scénarios sont proposés: une ligne TGV souterraine sous Orly ou un doublement des voies actuelles, beaucoup moins cher mais nécessitant une correspondance pour rejoindre l’aéroport. L’extension de la ligne 14 d’Olympiades à l’aéroport d’Orly permettra aisément cette correspondance via une seule station à parcourir, le trajet pouvant aussi se faire à pied en 30 minutes s’il le préfère. Le scénario de doublement des voies est le plus crédible et le plus rapide à mettre en place:
On passerait ici de 2 à 4 voies ferrées entre Massy et Valenton pour augmenter la disponibilité des voies et réduire leur congestion. Ce projet profiterait à toutes les métropoles du pays puisque l’ensemble des TGV Bordeaux-Lille/Strasbourg, Nantes-Lille/Strasbourg/Marseille, Rennes-Lille/Strasbourg/Marseille et Le Havre-Lyon-Marseille y circulent aussi. Ce doublement des voies profiterait aussi aux usagers du RER C qui bénéficieraient de plus de sillons ferroviaires.
Les gouvernements successifs ont beaucoup trop traîné sur ce projet, bridant le développement des liaisons ferroviaires vers les aéroports parisiens. Les recettes de l’éco-taxe doivent impérativement être priorisées sur cette liaison pour réduire le trafic aérien intérieur.
3- Imposer aux compagnies aériennes de proposer à leurs clients des billets combinés avion/train
Un grand nombre de vols Bordeaux-Paris ne constituent qu’une partie du voyage pour beaucoup d’usagers qui sont en correspondance à Roissy ou à Orly vers l’étranger. Le législateur peut très rapidement imposer à toutes les compagnies aériennes de proposer à leurs clients le choix du TGV en correspondance de l’avion avec une gestion des retards des avions et des trains pour permettre aux usagers une correspondance sans inquiétude. La prise en charge des bagages en correspondance du train peut aussi être proposée. Air France a été moteur sur ce sujet avec son dispositif TGV Air, il faut dès maintenant l’étendre à toutes les compagnies desservant Roissy et Orly.
Ce choix permettra des gains financiers puisque le train reste dans la majeure partie des cas moins coûteux que l’avion, et même des gains de temps puisque les navettes entre les aéroports parisiens et Bordeaux nécessitent parfois des temps d’attente élevés à l’aéroport (temps qui pourraient être réduits par une fréquence plus élevée des TGV).
L’impact carbone de ces voyages serait aussi réduit, de même que les nuisances pour les riverains. En réduisant ces liaisons, on limite aussi la congestion de certains aéroports.
Le gouvernement doit aller vite sur ces sujets qui sont majeurs aujourd’hui. Une mobilisation politique peut permettre de vraies avancées pour rendre le train plus compétitif et complémentaire à l’avion. La simple création d’une taxe ne changera pas seule les habitudes.