Depuis plusieurs années, notre Métropole s’est engagée dans un processus d’intégration tarifaire du réseau TER en permettant, depuis 2021, aux usagers des gares métropolitaines de la ligne du Médoc de (Bordeaux/Pessac, Mérignac, Caudéran, Le Bouscat, Bruges, Blanquefort et Parempuyre) de pouvoir circuler depuis et vers ces gares avec leur abonnement TBM. Dans un projet de délibération qui nous est soumis pour le conseil du vendredi 29 septembre prochain, la majorité métropolitaine souhaite renoncer à cette intégration et imposer le paiement d’un forfait supplémentaire au montant déjà payé par les usagers pour leur abonnement TBM pour accéder aux TER. Une décision à rebours de toutes les actions engagées par les autres grandes métropoles françaises et européennes qui menace le report modal vers le train.
L’intégration tarifaire des TER au réseau TBM : une suite logique du travail entrepris dans le cadre du RER métropolitain
L’intégration du train comme maillon des transports métropolitain est une étape essentielle pour désaturer notre rocade ainsi que notre réseau tramway et bus. Ce sujet a toujours fait consensus au sein du conseil métropolitain et, dans la droite ligne du travail engagé sous la précédente mandature, l’actuelle majorité a poursuivi ce travail en signant une convention avec la région et la SNCF en 2201 pour permettre aux abonnés TBM de la ligne du Médoc d’emprunter le réseau TER entre Parempuyre et Pessac et la gare St Jean. Avec plusieurs de mes collègues, j’ai demandé à plusieurs reprises à l’exécutif métropolitain de poursuivre ce travail d’intégration tarifaire entre Ambarès et Pessac Alouette (ligne Libourne-Arcachon), entre Ambarès, Carbon-Blanc et Bordeaux (ligne St Mariens-Bordeaux) et entre Bordeaux, Bègles et Villenave d’Ornon (ligne Bordeaux-Langon).
Un engagement fort de la Métropole en faveur du RER
Cette politique s’inscrit dans le projet de RER métropolitain dans lequel Bordeaux Métropole est pleinement engagée sous plusieurs formes :
- Contribution au financement du coût de l’achat de nouvelles rames TER pour venir accroître l’offre de RER avec 34 millions d’euros d’investissement de prévu pour Bordeaux Métropole entre 2023 et 2028 ;
- Contribution au financement du fonctionnement des nouveaux services TER avec 6,38 millions d’euros de fonctionnement prévus entre 2022 et 2024 ;
- Contribution au financement de l’ouverture de 2 nouvelles haltes TER : Le Bouscat et la Médoquine ;
- Contribution au financement de la LGV Bordeaux-Toulouse/Dax pour sortir les TGV des voies TER et libérer des sillons pour accroître la fréquence du RER métropolitain à hauteur de 354 millions d’euros ;
- Contribution au financement de plusieurs infrastructures pour permettre le lancement du RER métropolitain : études, automatisation de passages à niveau, prolongement de quais, création de passages souterrains, électrification…
L’intégration du TER dans les réseaux urbains : une évidence pour une grande majorité des métropoles de France… sauf à Bordeaux
Ces choix volontaristes d’infrastructures de long terme ne doivent pas éclipser les réponses immédiates que doit apporter la puissance publique face à la flambée des prix des carburants et l’urgence climatique. Les grandes métropoles comparables à la notre ont déjà quasiment toutes engagé une intégration tarifaire du TER dans leur abonnement de transport :
- à Nantes où il est possible depuis plusieurs années de circuler sur le réseau TER avec son abonnement au réseau TAN et même avec un ticket de bus classique ;
- à Toulouse où depuis 30 ans la ligne Arènes – Colomiers (ligne C) est intégrée au réseau urbain ;
- à Strasbourg où cela est aussi en place ;
- Et même bien plus près de chez nous puisque les abonnés au réseau Baïa de la COBAS (Arcachon, La Teste, Gujan Mestras et le Teich) peuvent depuis de nombreuses années emprunter le TER avec le ticket et abonnement de bus !
Et pourtant, la majorité métropolitaine s’apprête à faire un grand pas en arrière en mettant fin à l’intégration de la ligne TER du Médoc dans l’abonnement TBM ! Ce dispositif sera remplacé par un forfait de 10€ supplémentaires par mois sur les abonnements TBM et ce, sans intégration des tickets à l’unité du réseau qui ne seront pas acceptés dans les TER. Alors que la majorité avait promis une simplification de l’offre tarifaire, c’est tout le contraire qui est en marché !
Une proposition de nouvelle tarification qui fait exploser le tarif d’accès au TER pour les jeunes
Type d’abonnement TBM | Tarif actuel de l’abonnement TBM actuel incluant la circulation sur la ligne TER Bordeaux/Pessac-Parempuyre | Nouveau tarif projeté par Bordeaux Métropole1 | Évolution du prix |
Pass annuel pitchoun (5-10 ans) | 12€ | 22€ | +83,3% |
Pass annuel jeune (11-27 ans) | 20,40€ | 30,40€ | +49% |
Pass annuel tout public (28-59 ans) | 43,50€ | 53,50€ | +23% |
Pass annuel senior (60 ans et plus) | 31,40€ | 41,40€ | +31,8% |
Pass annuel salarié | 34,80€ | 44,80€ | +28,7% |
1 prix projeté dans le projet de délibération soumis au vote du conseil métropolitain du 29 septembre prochain.
Cette flambée des prix opérée par Bordeaux Métropole vient de manière inique pénaliser plus fortement les publics les plus précaires : les jeunes et les familles nombreuses subissent les plus fortes hausses de tarif, dans une période où les prix des carburants connaissent des niveaux inédits. Les étudiants de Parempuyre devront dorénavant payer leur abonnement TBM 49% plus cher pour rejoindre en TER Pessac ou la future gare de la Médoquine.
La majorité métropolitaine argue des coûts de fonctionnement importants pour justifier ce nouveau prix. Pourtant, le conseil régional fait état d’une perte de recettes maximale de 592 859 € (chiffre affiché dans la délibération comme nettement sur-révalué en raison d’un effet soudure fixé à 100%) avec l’intégration tarifaire (report d’achat de titres de la région vers TBM). Cela serait en partie compensé par des hausses de recettes pour Bordeaux Métropole estimées à 326 575 €. Le manque à gagner serait donc de 266 284 €, une goutte d’eau en comparaison avec le budget de fonctionnement du réseau TBM qui est de 249,99 millions d’€ (soit l’équivalent de 0,1% du budget du réseau).
Je ne conteste bien sûr pas la nécessité de disposer de recettes supplémentaires pour le réseau face à une hausse des coûts importante. La hausse des prix ne doit en revanche pas se faire au détriment de l’intermodalité. Cette proposition de faire peser la hausse du coût de fonctionnement du réseau sur les usagers TER est profondément injuste, d’autant plus qu’ils se déplacent dans des conditions particulièrement difficiles au quotidien puisque les trains de la ligne Bordeaux-Le Verdon ont l’un des taux de régularité les plus faibles de la région avec seulement 85% de trains arrivant à l’heure, sans compter les nombreuses suppressions inopinées de trains.
Un simple abonnement Modalis « amélioré » qui risque d’être souscrit par une faible minorité de nos usagers
Le montant de 10€ mensuel peut paraître, au premier égard, modeste au regard des gains de temps du train pour les usagers. Toutefois, cette différenciation risque de conduire un grand nombre de nos habitants à ne pas utiliser le réseau TER dans le cadre de leurs déplacements sur la Métropole. En effet, les usagers actuels qui utilisent déjà le TER pour leurs déplacements réguliers (et qui sont convaincus de son attrait) continueront certainement à l’utiliser et souscriront donc à l’offre. En revanche, les usagers qui sont habitués à emprunter le tram, le bus ou leur voiture pour des trajets réguliers ou occasionnels qui pourraient se faire plus rapidement en TER risquent de ne pas souscrire cette option assez coûteuse (120€ l’année) car ne voyant pas nécessairement un bilan coût/avantage intéressant. Il s’agit donc là d’un simple tarif Modalis amélioré qui risque d’être souscrit par bien peu d’usagers comme l’est le système multimodal actuel.
Une dissociation injustifiée du train des autres modes de transport
Par ailleurs, cette offre proposée n’inclut pas les tickets TBM occasionnels. Il sera donc impossible pour un habitant d’Ambarès, non abonné au réseau, d’aller dans Bordeaux centre par TER avec un simple ticket de bus, contrairement à ce qui est fait dans d’autres métropole.
Ce choix est loin d’être anodin car il conduit finalement à dissocier le train de notre réseau de transports en commun alors même que nous cherchons depuis plusieurs années à diffuser un message inverse, prônant l’utilisation du train comme maillon de l’intermodalité métropolitaine au même titre que les autres modes de transport. Le choix de Keolis d’intégrer le VCUB à l’abonnement TBM, va dans ce sens et contribue à faire du vélo un maillon de l’intermodalité. Pourquoi faire l’inverse avec le train ?
A l’heure où les bus déjà totalement saturés de la nouvelles lianes 31 qui relie Ambès et la Presqu’ile à Talence, Pessac et Gradignan, ainsi que le tram B toujours bondé, il y a urgence à reporter le trafic voyageurs vers les TER pour soulager le réseau TBM. Avec cette hausse de 49% du tarif, combien d’étudiants de la Presqu’ile d’Ambès choisiront de souscrire à cette offre ? Il est fort probable que le report modal soit modeste et que nos bus restent saturés.
Une absence totale de bilan de l’expérimentation
L’expérimentation d’intégration tarifaire lancée depuis 2021 sur la ligne TER du Médoc prend donc fin sans aucun bilan. Combien d’usagers empruntent la ligne quotidiennement avec un abonnement TBM ? Que pensent les usagers de ces propositions ? Il nous est proposé une simple délibération fixant les nouveaux tarifs sans aucun bilan !
Les modestes recettes supplémentaires de ce forfait d’accès au réseau TER seront loin de compenser les effets néfastes de ce choix sur l’intermodalité. A un moment où l’on cherche par les tous les moyens à valoriser le train comme mode de déplacement du quotidien sur la Métropole, cette stratégie de la majorité métropolitaine va inévitablement gripper la fragile dynamique en faveur du train lancée ces dernières années.