Le téléphérique et les télécabines constituent des modes de transport pertinents et peuvent répondre à des besoins de mobilité, en particulier pour franchir des obstacles difficilement franchissables autrement tels que les reliefs. L’exécutif métropolitain a pleinement raison de poursuivre les études d’opportunité de ce mode de transport que j’appelais de mes vœux avec plusieurs collègues en 2018 sur la partie sud de l’agglomération entre Bègles et Latresne. Ce mode présente toutefois des limites intrinsèques à son fonctionnement :
- Il impose des ruptures de charge au départ et à l’arrivée. Ces correspondances font perdre beaucoup d’attractivité à la desserte ;
- Il présente une vitesse commerciale très modeste (des pointes à 22 à 27 km/h au maximum mais la vitesse moyenne est plus faible) ;
- Il est visuellement impactant, en particulier pour les habitants qui voient leur espace d’habitation visible depuis les usagers des télécabines ;
- Il présente une capacité modeste au regard du bassin de population desservi (on connait tous la longue attente devant les télécabines de montagne en matinée malgré une population desservie bien plus faible que celle située de par et d’autre de ce projet de télécabine).
Entre Latresne et Bègles, les études ont montré que l’itinéraire pourrait ne pas survoler de lieux d’habitation et que la fréquentation était plus modeste que celle prévue sur cet itinéraire, rendant possible et pertinente l’installation de télécabines (avec un bilan socioéconomique positif).
Le réseau de tramway constitue la colonne vertébrale de la desserte de la rive-droite mais souffre aujourd’hui de plusieurs difficultés :
- Une fréquence de tramway trop faible sur les antennes entre la Buttinière et Floirac Dravemont (un tramway toutes les 10 minutes) contrainte par la division en deux de la ligne ;
- Un effet entonnoir de l’avenue Thiers où se concentrent tous les flux allant vers Bordeaux.
Ici le projet vise à relier les hauts de Cenon ou de Lormont (Buttinière, Quatre Pavillons ou Palmer) à la rue Achard ou à l’arrêt de tramway la Cité du Vin. Ce projet présente des atouts mais aussi des limites majeures :
- Il impose aux usagers du tramway venant des antennes de la ligne A et aux usagers des lignes de bus de descendre pour ensuite aller patienter pour emprunter une télécabine. Arrivés rue Achard ou à la Cité du vin, ceux-ci seront contraints de changer à nouveau de mode de transports pour aller emprunter le tram B ou une ligne de bus soit au moins 2 changements (voire plus sur la personne doit à nouveau avoir une correspondance dans Bordeaux) ;
- Il ne desservirait pas la gare de Cenon qui doit pourtant devenir un pôle multimodal majeur en connexion avec deux lignes de RER et toutes les lignes TER venant d’Angoulême, Bergerac, Périgueux, Brive, Saintes ou la Rochelle.
- Il présente un coût d’investissement plus élevé au kilomètre qu’une ligne de tramway : entre 53 millions d’euros HT pour 1,8 km et 83 millions d’euros pour 2,7 km. Ce coût est notamment dû à la hauteur très élevée du téléphérique pour pouvoir laisser passer les bateaux (une contrainte qui ne s’appliquerait pas au sud du pont de Pierre).
Au regard de ce diagnostic, il apparaît que la création d’un barreau de tramway serait de nature à lever un grand nombre de ces écueils, c’est une solution que nous privilégions avec mes collègues du groupe Métropole Commune(s) de Bordeaux Métropole. Un barreau de 4,5 km entre Cenon Gare et la station Cracovie du tram C via les Bassins à Flot afin de réaliser des missions Floirac Dravemont – Buttinière – Cenon Gare – Cité du Vin – Place Latule et Cracovie voire vers la gare de Bruges (selon les possibilités offertes par la voie unique) m’apparait par ailleurs être une solution pertinente. Ce barreau, d’un coût équivalent à la fourchette haute du téléphérique, permettrait :
- D’offrir une correspondance très attractive pour les usagers du TER à la gare de Cenon (et éventuellement à la gare de Bruges) ;
- De permettre une continuité de transport sans rupture de charge entre la rive droite et la rive gauche sans passer par le centre-ville ;
- De réduire les correspondances : les usagers de l’antenne Palmer-La Morlette-Dravemont du tram A n’auraient pas besoin d’effectuer un changement à la Buttinière pour rejoindre les Bassins à Flot ;
- D’accroître les territoires desservis, notamment Cenon Gare, Brazza, les Bassins à Flot et Latule qui ne seraient pas desservis par le téléphérique et ce pour un coût équivalent ;
- De desservir à la fois les différents quartiers de Cenon (notamment Palmer) et de Lormont (notamment la Buttinière) conformément aux demandes formulées par leurs maires dans le cadre de la concertation du téléphérique et qui ne peuvent être conciliées par le projet dans l’état actuel ;
- De renforcer l’offre de tramway sur l’antenne de Dravemont (cumul de l’offre du tram A et de la nouvelle ligne) sans saturer le tronçon central de la ligne A. La fréquence actuelle de 10 minutes en heure de pointe est en inadéquation avec la densité de population desservie ;
- De renforcer l’offre de tramway sur l’antenne de Bruges du tram C si la voie unique permet le passage de rames supplémentaires (un terminus partiel à Cracovie sera certainement indispensable) ;
- De préserver les paysages des bords de Garonne et la quiétude des habitants vivant sous l’itinéraire du projet de téléphérique.
Les emprises sont par ailleurs déjà existantes entre le pont Chaban Delmas et la place Latule puisqu’un couloir de bus est aménagé et des friches ferroviaires existent entre la place Latule et Cracovie. Le coût d’investissement serait donc plus modeste qu’une ligne de tramway classique.